Kréyòl
et Histoire de la Caraïbe
4. Alphabet et graphie
du kréyòl
Puisqu’il
s’agit d’utiliser le kréyòl comme outil de compréhension
de l’histoire et de la civilisation caribéennes, il est maintenant
temps de s’initier au fonctionnement de l’outil afin de pouvoir le manipuler,
de l’avoir bien en main.
Pour rappel,
la langue créole caribéenne regroupe les dialectes de Dominique,
Grenade, Guadeloupe, Guyane, Haïti, Louisiane, Martinique, Sainte-Lucie,
Trinidad ainsi que de leur diaspora. Elle dispose d’une orthographe officielle
au sein des nations indépendantes telles la Dominique, Haïti
(Constitution bilingue) ou Sainte-Lucie ; orthographe qui est reconnue
au niveau universitaire au sein des nations dépendantes. C’est donc
ce système orthographique que nous allons apprendre, sachant que,
depuis 20 ans, il est le système utilisé presque exclusivement
par les auteurs qui écrivent en kréyòl, quel
que soit le genre littéraire auquel appartiennent leurs textes.
Au niveau
alphabétique, le système graphique du kréyòl
utilise l’ensemble des lettres de l’alphabet latin à l’exception
du Q et du X, soit 24 lettres :
A B
C D E F G H I J K L M N O P R S T U V W Y Z
Mais
il paraît plus probant pour aborder le système graphique du
kréyòl,
étant donné qu’il utilise un système d’écriture
phonologique, c’est-à-dire un système dans lequel un phonème
(son) est toujours représenté par un seul et même graphème
(signe), de se situer au niveau des sons de base. Ce sont ces sons de base
qui donnent, soit directement soit par association entre eux, toutes les
syllabes et donc tous les mots de la langue créole caribéenne.
Le kréyòl
dispose donc de 39 sons de base : 14 sons voyelles, 2 sons semi-voyelles
et 23 sons consonnes.
a/à
|
an
|
e/é
|
è
|
en
|
eu
|
i
|
in
|
o
|
ò
|
on
|
ou
|
u
|
ui
|
b
|
ch
|
d
|
dj
|
f
|
g
|
gn
|
gy
|
h
|
j
|
k
|
ky
|
l
|
m
|
n
|
ng
|
p
|
r
|
s
|
t
|
tj
|
v
|
z
|
Avec
ces 39 sons de base nous disposons de tous les outils nécessaires
à l’écriture des différents dialectes de la langue
créole caribéenne : il suffit d’associer voyelles, semi-voyelles
et consonnes.
Mises à
part quatre consonnes qui sont communes au kréyòl et à
l’anglais : le h comme dans horse, le ng
comme dans thing, le
dj comme dans joker et
le tj comme dans
chicken, les autres sons du kréyòl
sont des sons qui existent également en français même
si leur fréquence et les alliances entre sons diffèrent (nasalisation
plus forte, pas de syllabe se terminant par une suite de deux consonnes,
etc.), ce qui confère – avec un rythme et des intonations spécifiques
– une sonorité particulière au kréyòl.
Le son «
é » s’écrit « e »
en Haïti du fait d’une plus grande autonomie du créole haïtien
par rapport au français, ce qui empêche toute confusion avec
le « e » français. L’équivalent du « e
» français est marqué « eu »
en
kréyòl, mais il s’agit d’un son “marginal”, c’est-à-dire
utilisé dans des zones restreintes, par certaines catégories
sociales ou dans certaines situations seulement. Ce « eu
», comme le « u » ou le « r
» roulé, sont généralement considérées
comme “pédants” (fransé / anglézé / palé
bwodé / woulé).
Le son «
k » a tendance à être palatalisé
dans l’ensemble des Petites Antilles et en Guyane « tj
» : kè - tjè (cœur). Pour autant
dans certains cas, le «k » palatalisé
est autonome et ne peut être remplacé par le son « k
» “habituel” sans perte de sens : coup de poing tjòk,
non palatalisé donne
kòk : coq (mais aussi
phallus). La même remarque vaut pour le son «
g
» palatalisé en «
dj » : gèp
- djèp (guêpe) mais travail
djòb,
non palatalisé donne (fè)
gòb
: faire bisquer. Le «ky » et « gy
» sont les formes palatalisées basse-terriennes (Guadeloupe)
du « k» et du « g »,
elles sont proches du « tj » et du «
dj
» que l'on retrouve dans le reste des Petites Antilles créolophones.
Leur proximité phonétique avec ces formes doit-elle amener
à leur effacement au profit de ces dernières ?
En Guyane, notamment,
le son «
ò» remplace parfois les sons
« é / e » ou « è
» : voler,
volé=
volò/
tout à l’heure,
talè = talò.
Le son «
h » est un son aspiré comme dans le mot anglais
hand
: rien =
hak. Très souvent, le son « h
» est interchangeable avec les sons « j »
et «
r» : chyen-an ka japé =
chyen-an ka rapé = chyen-la ka hapé (le
chien aboie) / lajan = lahan (argent).
Une des caractéristiques
du
kréyòl est d’être une langue fortement nasalisée.
Outre les sons de base « an, en, in, on », il
faut également compter l’alliance de ces différents sons
avec les consonnes «
m » (fanm, nonm,
tenm…) et « n » (fann, ponn,
tenn…)
Il faut
ajouter à ces remarques sur les graphèmes correspondant à
des phonèmes, qu’il existe deux graphèmes en kréyòl
qui ne correspondent à aucun son mais servent à préciser
la syntaxe et jouent donc un rôle important (mais sont-ils indispensables
?). Il s’agit du tiret et de l’apostrophe :
L’apostrophe sert
à marquer la contraction : M’ p’ ap la (mwen pa ap la) -Mwen
pé ’é la (mwen pé ké la) = je ne serai
pas là / Kite m’ fè sa ba ’w (Kite mwen fè sa ba
ou) - Kit’ an fè sa ba ‘w (Kité mwen fè sa ba ou)
= laisse moi le faire pour toi.
Le tiret sert
à relier deux éléments identiques qui se suivent pour
marquer l’insistance (kafou-kafou, kole-kole…), deux éléments
différents mais qui associés donnent un nouveau sens (moun-bitasyon,
fanm-déwò…), deux éléments qui ne sont
distincts que d’une syllabe et qui fonctionnent toujours associés
(egal-ego, natif-natal, nanni-nannan…). Le tiret sert également
à relier un nom et son article défini (fanm minis-la =
la femme du ministre / fanm minis la = la ministre).
Sé
grenn diri 'i ka plen sak diri