an lang kréyòl


Manifeste fondateur

La tortue dit : ma maison est là où je suis…


… Enfants de migrants, migrants nous-mêmes ou migrants en devenir ; nous, membres fondateurs de l’association K1, nous sommes appropriés cette parole créole pour signifier notre refus de toute assimilation-désintégration de nos êtres - en perpétuelle redéfinition autour de leur potomitan1respectif - et notre volonté de nous impliquer dans la vie de la cité.
Nous voyons, dans cette parole devenue nôtre, deux sens mêlés en un seul :
  • tout migrant porte en lui, emporte avec lui, la nation qui est sienne et qu’il transmet, d’une manière ou d’une autre, à ses enfants ;
  • tout migrant, puisque membre – quelle que soit sa nation – de la communauté humaine, est par nature citoyen à part entière de la société politique dans laquelle il réside ;
  • Cette idée à l’esprit, habités par les voix polyphoniques de nos ancêtres des 4 points cardinaux, habitant – bien que cela soit nié, camouflé et combattu – une société multiculturelle, nous choisissons de « connaître la totalité du monde »2 et de lui faire connaître le chant de nos racines multiples.
    Nous choisissons d’être ce que nous sommes et tels que nous voulons être : des bâtards, fermés aux intolérances territoriales, ouverts à de nouvelles relations d’équivalence entre les cultures et à de nouveaux rapports d’égalité entre les peuples.
    Nous décidons d’entreprendre la mise en création d’un Divers, au sein d’une société prônant un Même totalitaire3. Face au monolinguisme de toutes les métropoles, il s’agit de vivre nos langues diverses et de les faire s’interpénétrer pour qu’elles puissent exprimer séparément – par un nouveau langage transperçant la barrière des langues, transgressant les frontières – notre réalité de méta-nationaux4.
    Nous décidons de déterrer nos mémoires ; face à la falsification du passé façonnée pour ensevelir toute trace de résistance et nous imposer un même avenir sans devenir, nous voulons fouiller l’Histoire, et le Mythe, pour réemprunter et réinterpréter les traces des Ancêtres (Reziste se reziste5).
    Paris, le 07 juillet 1999

     

    1- « pilier central » de la case créole, mais plus que cela point central du oumfò (temple vodou) en Haïti. Pilier de l’édifice et pilier de la spiritualité tout à la fois : le matériel et le spirituel ni ne s’affrontent ni ne s’opposent.

    2- Édouard Glissant, Poétique de la relation, 1990.
    3- « Comme l’Autre est la tentation du Même, le Tout est l’exigence du Divers. » É. Glissant, le Discours antillais, 1981.
    4- « La Méta-nation rompt avec l’ancien sectarisme occidental. Elle se sait habitée de diversité et riche de l’interpénétration croissante des peuples. Elle sait qu’une partie d’elle-même est fortement présente dans d’autres nations, et qu’en elle  des lambeaux d’autres nations peuvent palpiter. » G. Malsa, La mutation Martinique, 1991.
    5- Exister c’est résister / Résister c’est exister.