Pawòl
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Daniel
Boukman, Zizinng Pawòl, Editions Mabouya, Paris, 1999
LE BESTIAIRE DE DANIEL BOUKMAN
« L'imaginaire créole
est peuplé de bêtes qui servent à exprimer à
peu près toutes les formes de la sensibilité commune. Le
rapport à ces bêtes, fantasmé comme pour les animaux
d'Afrique, lion, tigre, volontiers analytique et sentencieux quand il s'agit
des animaux destinés au travail de chaque jour, mulet, boeuf, zébu,
ou énigmatique et fabuleux pour les bêtes inappréciables
qui peuplent l'espace sans l'encombrer, bête-à-feu, cayali,
anoli (zandoli mandé mayé, mabouya di non), est toujours
marqué par la vitesse de la notation, le refus de s'attarder à
décrire, la volée saisissante d'une symbolique dont nous
apprécions qu'elle ne quitte jamais l'appréciation la plus
concrète, et la plus vive, des gens et des bêtes.
Les poèmes que voici ont
deviné de tels rapports. Organisés en deux colonnes qui se
renvoient l'une l'autre, ils nous permettent de jouer sur leurs tangences,
de la liste animalière à la leçon que la poétique
populaire en tire. Une telle lecture, en biseau, nous garde d'une réthorique
trop abondante. En ce sens, le bestiaire de Boukmàn pousse au-delà
de son apparente simplicité. Il fait entrer nos bêtes dans
notre texte, il consacre un état aujourd'hui peut-être dépassé,
repoussé par l'asphalte et le ciment. Boukman ravive nos mémoires
assoupies : c'est là une des fonctions éclairantes du poète.
» Edouard Glissant