Extrait du chapitre 9 du rapport
de la Commission interaméricaine
des droits de l’homme (CIDH) organe de l’Organisation des États
américains (OÉA), publié le 7 octobre 1999. Adresse
Internet : http://www.cidh.oas.org.
Traduction française non
officielle, réalisée par le Comité
québécois pour la reconnaissance des droits des travailleurs
haïtiens en République dominicaine. Novembre 1999.
A)
INTRODUCTION
B)
EXPULSIONS MASSIVES DES HAITIENS ET DES DOMINICO-HAITIENS
C)
CONDITIONS DE TRAVAIL ET DE VIE DANS LES BATEYES
D)
STATUT D’ILLÉGALITÉ PERMANENTE
E)
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
a) Antécédents
313. Chaque année, des milliers
d’Haïtiens embauchés par la Conseil d’État du sucre
« Consejo Estatal del Azúcar (CEA) » participent à
la coupe de la canne à sucre en République dominicaine. Historiquement,
les conditions de vie des braceros et les mauvais traitements qu’ils
subissent ont fait l’objet de nombreuses dénonciations. Ainsi le
Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations
Unies, l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et la CIDH les ont
incluses dans leur rapport d’évaluation du suivi en regard des normes
et des conventions internationales.
314. La préoccupation des
instances internationales a transcendé le plan exclusivement lié
au travail ; les organisations non gouvernementales des droits humains
ont aussi publié des rapports dénonçant la participation
des forces policières et militaires dans le recrutement des braceros
et l’existence de pratiques abusives par les autorités du Conseil
d’État du sucre, durant et après les périodes des
récoltes (zafras).
315. Les racines historiques de
cette situation se trouvent dans l’avantage comparatif pour l’industrie
sucrière dominicaine que représente la disponibilité
d’une vaste source de main-d’œuvre à bon marché par son effet
d’accumulation, accompagnée d’une diminution du niveau des salaires.
L’industrie sucrière dominicaine a connu une grande expansion après
la Seconde guerre mondiale et s’est trouvée une source, à
proximité, en embauchant des Haïtiens pour la coupe de la canne
à sucre durant les récoltes.
316. La main-d’œuvre haïtienne
était peu chère parce que liée aux conditions économiques
et à celles du marché de l’époque et liée aussi
aux abus engendrés, faute d’alternatives pour les Haïtiens,
même au regard de conditions de vie des plus misérables.
317. Historiquement, on a dénoncé
le fait que les travailleurs traversant la frontière pour récolter
la canne en R.D. aient été victimes d’assassinats, de mauvais
traitements, d’expulsions massives, d’exploitation, de conditions de vie
déplorables et de non reconnaissance de leurs droits en tant que
travailleurs.
318. La problématique migratoire
dominicaine n’a pas échappé non plus à la situation
politique qui s’est développée entre les deux Républiques
affectant les coupeurs de canne et s’étendant à d’autres
secteurs agricoles tels que les cultures du café, du riz et du cacao.
Qui plus est, bien de ces travailleurs ont fait une incursion sur le marché
urbain, soit dans le bâtiment, soit dans les services domestiques.
La participation des Haïtiens à ces secteurs de l’économie
dominicaine s’accroît de plus en plus ces dernières années.
b) Visite terrain de la CIDH en
1991
319. Le 11 juin 1991, « Americas
Watch » dénonçait devant la Chambre de représentants
des États-Unis, les violations des droits humains dont les braceros
étaient l’objet, signalant en particulier ce qu’ils décrivaient
comme étant le régime de travaux forcés qui était
le lot des enfants haïtiens dans les plantations du CEA.
320. Quelques jours après
qu’on ait renouvelé les dénonciations de mauvais traitements,
et que celles-ci aient été relayées par une chaîne
de télévision américaine, dont les images montraient
les conditions de vie déplorables dans les bateyes, le président
Balaguer émit le Décret 233, le 13 juin 1991, en vertu duquel
on procédait au rapatriement des Haïtiens sans documents d’identité,
de ceux âgés de moins de seize ans et de ceux âgés
de plus de soixante ans se trouvant en sol dominicain.
321. A partir du 18 juin 1991, le
gouvernement dominicain procédait à des expulsions massives
de milliers d’Haïtiens, ce qui donna lieu à d’autres dénonciations
de ces pratiques et violations de la Convention américaine sur les
droits humains.
322. Suite aux dénonciations
sur les expulsions massives d’Haïtiens ou de personnes considérées
comme telles même si elles étaient nées en territoire
dominicain, la CIDH sollicita, le 24 juin 1991, l’autorisation du gouvernement
dominicain d’effectuer une visite dans le but d’observer les déportations.
323. A la suite de cette visite
qui avait eu lieu du 12 au 14 août, la CIDH publia un rapport inclus
à son Rapport annuel dans lequel figurent les recommandations suivantes
:
1. Prendre les mesures en vue de régulariser le statut des Haïtiens qui n’avaient pu bénéficier des provisions du Décret du 15 octobre 1990.324. Suite à la visite, le gouvernement dominicain fait part à la CIDH de sa décision de surseoir aux expulsions à partir du 30 septembre 1991.
2. Déroger aux mesures législatives ou administratives qui tendent à porter atteinte aux droits des étrangers ou des Dominicains d’origine haïtienne et suspendre de manière définitive les expulsions massives des ressortissants haïtiens.
3. Fournir les moyens nécessaires aux ressortissants haïtiens qui demandent de rentrer volontairement en Haïti en leur offrant toutes les garanties et la considération à laquelle ils étaient en droit de s’attendre, sans léser leurs droits fondamentaux, et en leur octroyant les prestations nécessaires.
4. Indemniser les ressortissants haïtiens qui ont été expulsés de la R.D. sans qu’on leur ait octroyé les prestations de travail correspondantes, tel que stipulé par le Décret 233-91.
5. Accorder les moyens de permettre le retour au pays aux personnes qui allèguent être Dominicaines afin qu’elles puissent exercer leur droit de prouver leur nationalité dominicaine.
B) EXPULSIONS MASSIVES DES HAITIENS ET DES DOMINICO-HAITIENS
325. Durant la visite sur les lieux
en juin 1991, la CIDH a été informée des dénonciations
d’expulsions massives d’Haïtiens, y compris des Dominicains d’origine
haïtienne durant les trois (3) premiers mois de l’année 1991.
Des groupes des droits humains qui travaillaient sur le sujet se sont réunis
et ont signalé à la CIDH que durant ces mois, le gouvernement
dominicain avait déporté près de 25 000 Haïtiens.
326. Par ailleurs, ces mêmes
groupes ont informé la CIDH que les déportations continuaient,
quoiqu’en nombre restreint. Dans la plupart des cas, le gouvernement dominicain
avait nié aux déportés l’opportunité de fournir
la preuve de résidence légale en R.D. De plus, on ne leur
a pas donné l’occasion de prouver la durée de leur séjour
dans ce pays, ni de faire connaître leur situation d’emploi, ni leurs
liens familiaux.
327. Les dénonciations présentées
à la CIDH signalent la façon violente et précipitée
avec laquelle on a procédé aux déportations, sans
permettre aux déportés d’emporter leurs biens ni de toucher
leur salaire. Certaines entreprises et particulièrement les raffineries
sucrières ont profité de l’occasion pour priver les travailleurs
de leur salaire.
328. Les déportés
ont été détenus dans des établissements où
on ne les a pas ou peu nourris et certains ont été battus
par les autorités. On ne leur a pas permis d’informer leur famille
de leur expulsion. A maintes reprises, la Commission a été
informée que les enfants étaient enlevés de force
en l’absence de leurs parents travaillant aux champs. Il en a été
de même des femmes arrachées à leur foyer en l’absence
du mari. Dans certains cas, les expulsions massives ont entraîné
la séparation forcée des familles.
329. Durant les élections
présidentielles de 1996, la CIDH a reçu des dénonciations
rapportant que les autorités dominicaines avaient effectué
des rafles, détruit les carnets de travail, les papiers d’identité
des travailleurs et les avaient renvoyés contre leur gré
en Haïti. Dans de nombreux cas rapportés, ces déportés
étaient nés en R.D. ou certains avaient résidé
au pays durant plusieurs années, de sorte que la nationalité
leur revenait de droit. Plus tard, d’autres dénonciations à
la CIDH relataient les déportations effectuées dans les communautés
périphériques au district national telles qu’à Palave,
Palmarejo, Guarícano, Guanuma, Dusquesa et dans les bateyes
des Raffineries sucrières Ozama, San Luis, Matamamón, Boca
Chica et Muñoz de Puerto Plata durant les mois de juillet et août
1998.
330. En dépit de l’affirmation
du gouvernement dominicain assurant avoir respecté l’Accord sur
les procédures d’expulsion signé par la République
dominicaine et la République d’Haïti le 2 février 1997,
des ONGs telles que le Mouvement des femmes Dominicano-haïtiennes
(MUDHA), la Coalition nationale pour les droits des Haïtiens et la
Clinique des droits humains de l’Université de la Californie ont
informé que les autorités dominicaines n’avaient pas respecté
les procédures et qu’elles ont souvent omis de d’aviser, en bonne
et due forme, les autorités haïtiennes des déportations.
La liste des personnes expulsées fournie par le gouvernement dominicain
est souvent inexacte : le nombre des déportés en autobus
est supérieur à celui indiqué sur la liste officielle
signalant les noms, dates et destination. En plusieurs occasions, les autorités
dominicaines n’ont même pas avisé les autorités haïtiennes
des déportations effectuées.
331. La CIDH a été
informée des cas de THOMAS SAINT-VIL et d’ISRAEL JOSET lesquels
ont été expulsés de la République dominicaine
en 1997 et 1998 et qui se résument comme suit (à noter qu’il
ne s’agissait pas de situations exceptionnelles) :
C) CONDITIONS DE TRAVAIL ET DE VIE DANS LES BATEYES
335. Les conditions de vie et de travail dans les bateyes sont extrêmement difficiles. Selon la mission d’assistance technique en République dominicaine du Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU, « il est courant que les coupeurs de canne souffrent d’abus de la part des autorités de la migration et des autorités militaires. De plus, les enfants et les femmes n’ont pas d’existence légale ».
a) Conditions de travail
336. Pendant leur visite, les groupes
des droits humains ont indiqué à la Commission que la situation
des braceros haïtiens s’était légèrement améliorée
légèrement sous le Gouvernement actuel ; par la suite, ils
ont signalé que depuis 1998, les travailleurs haïtiens et dominicains
d’origine haïtienne, leurs femmes et leurs enfants étaient
toujours victimes de discrimination raciale et de violation des droits
humains. Les travailleurs haïtiens des plantations de canne à
sucre continuent à faire face à des restrictions de leur
liberté de mouvement. Cela inclut la présence de gardes armés
dans les champs de canne qui veillent à ce que les braceros ne quittent
pas les plantations .
337. Selon ce qui a été
dit à la Commission, le CEA tient un registre des Haïtiens
embauchés, et à quelques occasions on leur donne un document
d’identification valable à l’intérieur du batey et
pour la période de la récolte (zafra). Mais cela ne
se fait pas systématiquement et à la fin de la zafra,
les travailleurs demeurent en qualité d’illégaux et sans
possibilité de se déplacer vers d’autres lieux.
338. Dans ses observations sur le
projet de rapport, le gouvernement dominicain a informé qu’en 1998,
des carnets ont été remis à 15 485 travailleurs haïtiens
pour œuvrer dans l’industrie du sucre et en 1999, 12 390 en ont reçus.
339. En regard des contrats d’embauche,
les autorités dominicaines affirment que ceux-ci étaient
rédigés en espagnol et en créole pour une meilleure
compréhension ; mais rien ne garantit que les travailleurs soient
d’accord avec les termes, la grande majorité d’entre eux étant
analphabète.
340. Le Mouvement des femmes dominico-haïtiennes
(MUDHA) et Anti-Slavery International ont dénoncé devant
la Commission le fait qu’en certains endroits les coupeurs de canne continuaient
à être payés avec des coupons (bons) et non en argent.
Ces coupons n’étaient pas acceptés dans les commerces locaux;
on ne pouvait les utiliser que dans les magasins propriétés
de la compagnie. Les salaires étant très bas, les travailleurs
et leurs familles pouvaient difficilement survivre ; leur rémunération
est comparable à celle d’un journalier agricole ($42,00 pesos dominicains
- environ $3,00 $U.S., par tonne de cannes coupées) le montant total
dépend de l’habilité du coupeur.
341. On a indiqué à
la Commission que le poids de la canne déterminait le montant à
verser. Dans le passé, on a dénoncé le fait que les
balances étaient tronquées et que les braceros n’obtenaient
pas un poids juste. Pendant la visite de la CIDH en juin 1997, les braceros
ont indiqué qu’il y avait des inspecteurs dominico-haïtiens
pendant la pesée de la canne, ce qui leur donnait une certaine sécurité.
Mais selon des ONGs, « récemment, lors de la dernière
zafra, les autorités du CEA ont expulsé les inspecteurs dominico-haïtiens
et les travailleurs privés de représentant n’avaient pas
accès à la pesée de la canne ». De nouveau,
des plaintes ont repris à l’effet qu’on ne leur créditait
pas le total de la canne coupée. En l’absence d’inspecteurs, les
braceros n’avaient plus de moyens efficaces pour résoudre leurs
problèmes.
b) Conditions de vie
342. Durant son séjour, la
CIDH, a visité quatre bateyes: San Joaquín, Culata
et Mata los Indios près de Santo Domingo, et le batey No.5
dans la province de Barahona. La Commission a noté quelques progrès
à l’arrivée du nouveau gouvernement, soit l’électrification
de quelques bateyes, des plans d’amélioration de routes et
l’établissement d’écoles. Il y en a peu actuellement.
343. En général, la
Commission a vu les conditions précaires dans les bateyes,
enclaves où vivent les travailleurs de la coupe de la canne à
sucre. Les habitations ont beau être gratuites, elles sont inadéquates,
n’ont ni électricité, ni système d’égout.
La promiscuité, le manque d’hygiène, d’eau potable, de latrines
constituent de graves problèmes. Ces situations créent les
conditions propices aux maladies comme la diarrhée, la malaria et
la tuberculose.
344. La Commission a observé
l’absence de dispensaires médicaux; plusieurs enfants avaient des
symptômes de sous-alimentation et la majorité d’entre eux
ne fréquentait pas à l’école pour aider leurs parents
en gagnant une misérable pitance. Ceci créait un cycle tragique
où pratiquement on ne pouvait échapper à un avenir
de misère.
345. Au terme de sa visite, la Commission
déclare qu’elle n’ignore pas les conditions de pauvreté qui
affecte d’autres secteurs de la vie nationale. Cependant, la CIDH veut
signaler spécialement la situation des travailleurs dans les bateyes,
étant donné qu’ils travaillent pour l’État et qu’ils
demeurent sur les propriétés de l’État. Par conséquent,
les conditions de travail, d’habitation, de santé, d’éducation
et de sécurité des travailleurs et de leurs familles sont
la responsabilité directe de l’État.
c) Situation de la femme haïtienne
dans les bateyes
346. La situation de la femme haïtienne
dans les
bateyes est encore plus vulnérable. Sa présence
n’est pas reconnue ni dans les bateyes ni dans les champs de cannes.
On est porté à croire que ce sont seulement les hommes qui
travaillent comme
braceros en R.D. Finalement, les haïtiennes
ne possèdent ni le droit au logement, ni le droit aux services de
santé.
347. Le travail de la femme haïtienne
dans les champs de canne fait l’objet d’une discrimination. Environ 5%
des coupeurs de cannes sont des femmes, à qui on paye la moitié
de ce que reçoivent les hommes. Comme on l’a indiqué, le
CEA ne tient pas de registre des femmes qui vivent dans les bateyes
et la seule fonction qu’on leur reconnaît est celle de garantir la
présence des braceros pour les prochaines zafras.
348. Ainsi, comme on ne reconnaît
pas à la migrante haïtienne le fait de son existence, elle
n’obtient ni papiers, ni bénéfices ou
prestations. Par conséquent,
elle et ses enfants sont condamnés à une situation d’illégalité
et d’exploitation permanente. La même situation se présente
si son mari meurt ou s’il est déporté; la famille demeure
complètement désemparée.
349. Selon MUDHA, quand elles habitent
seules, les femmes haïtiennes sont victimes d’agressions sexuelles
et n’ont personne vers qui se tourner, car même les chefs des bateyes,
les gardes champêtres et les agents de migration abusent d’elles
en les menaçant de les déporter ainsi que leur famille si
elles n’accèdent pas à leurs demandes.
D) STATUT D’ILLÉGALITÉ PERMANENTE
350. Les autorités de migration
ont signalé que près de 500 000 à 700 000 Haïtiens
se retrouvent sur le territoire dominicain, et 5% d’entre eux possèdent
des pièces d’identité. L’un des principaux problèmes
de cette population est la situation d’irrégularité permanente
dans laquelle elle vit. Un grand nombre d’Haïtiens vit en R.D. depuis
20 ou plus de 30 ans sans obtenir un statut légal. Plusieurs pays,
après une longue période de résidence, octroient la
citoyenneté ; d’autres reconnaissent, au moins, le statut de résident
permanent; mais, ce n’est pas le cas pour les Haïtiens en R.D.
351. La majorité des Haïtiens
sont entrés en R.D. sans avoir de papiers prouvant leur identité
et de plus, ne sont pas enregistrés à l’Ambassade ou au Consulat
haïtien. D’une part, on ne les reconnaît pas comme citoyens
ou résidents dominicains et d’autre part, après plusieurs
années ils ont perdu tout contact avec Haïti.
352. La situation d’illégalité
se transmet aux enfants même quand ceux-ci sont nés en R.D.
Les enfants n’ont pas de papiers tout comme leurs parents non plus n’en
ont pas. Il est pratiquement impossible de les obtenir, soit parce que
les fonctionnaires des hôpitaux ou des bureaux du registre civil
refusent d’émettre un certificat de naissance ou parce que les autorités
pertinentes refusent de les inscrire aux registre civil. L’argument que
normalement donnent les fonctionnaires aux parents est que le seul document
qu’ils présentent les identifie comme travailleurs temporaires les
classifiant ainsi comme des étrangers en transit même s’ils
vivent depuis plusieurs années en R.D.
353. On doit voir cette situation
à la lumière de l’article 11 de la Constitution de la R.D.
qui reconnaît le principe de jus soli stipulant : « Sont
dominicains: Toutes les personnes nées en territoire de la R.D.
à l’exception des enfants légitimes des étrangers
résidant au pays en représentation diplomatique ou ceux qui
sont en transit dans le pays ».
354. Des groupes de droits humains
ont mentionné à la Commission l’existence d’une politique
gouvernementale empêchant l’enregistrement des migrants haïtiens.
Les autorités dominicaines imposent aux parents haïtiens l’obligation
de présenter des documents qui ne sont pas expressément requis
par la Loi 659 relative aux registres de l’État civil. Par exemple,
les bureaux du Registre de l’État Civil, exigent des parents une
pièce d’identité pour enregistrer leurs enfants, même
lorsque la loi ne l’exige pas.
355. Les groupes des droits humains
ont signalé que d’exiger des parents qu’ils présentent une
carte d’identité ou d’élection rend impossible l’enregistrement
de leurs enfants ; par ailleurs, cette requête est illégale
étant donné que la loi ne l’exige pas.
356. Selon une dénonciation
déposée à la Commission le 5 août 1997, un groupe
de parents haïtiens des bateyes de la raffinerie Monte Llano
et Amistad, accompagné par le MUDHA et le Comité des droits
humains, s’est présenté devant l’Office de l’État
Civil de Puerto Plata dans le but de demander l’inscription tardive de
leurs enfants nés en R.D. Un officier a refusé leur demande,
en répliquant à l’avocat de MUDHA que la Commission électorale
centrale (JCE) et les « autorités supérieures
» lui avaient donné instructions de n’émettre aucun
certificat de déclaration tardive pour d’enfants de migrants haïtiens,
nés en R.D200. Devant ce refus, la demande de « déclaration
tardive » a été présentée devant
la JEC, le 2 septembre 1997, sans qu’aucune réponse n’ait été
donnée jusqu’à maintenant.
357. Le cas de Tesius Pierre: Le
5 août 1997, Tesius Pierre a tenté d’enregistrer ses quatre
jeunes enfants. Il a présenté àl’Office de l’État
Civil les carnets d’identité que le Conseil d’État du Sucre
(CEA) lui avait remis ainsi que la déclaration ou le certificat
de l’hôpital faisant foi de la naissance de ses enfants en R.D. L’officier
a refusé d’enregistrer les naissances, prétextant que le
demandeur et sa femme n’étaient pas en situation légale.
L’officier n’a pas voulu recevoir les carnets du CEA comme preuves d’identité
pour les besoins du registre et a mentionné aux parents qu’ils devaient
avoir des cartes dominicaines.
358. Le 11 septembre 1997, MUDHA
et la CDDH ont demandé au Procureur Fiscal de la Cour de Justice
de Première Instance du District Judiciaire de la Province de Monte
Plata d’autoriser la «
déclaration tardive »
des 29 enfants de la communauté du Batey Verde Sábana Grande
de Boya :
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359. Dix mois plus tard, le Procureur
fiscal rendait sa décision: « Refus de la présente
demande de déclaration tardive de naissance, n’étant pas
appuyée par les documents et la procédure exigés dans
ce cas ».
360. Pendant sa visite en R.D. la
Commission a été informée par les autorités
d’un avant-projet de loi à l’étude sur la Migration. Telle
que mentionné précédemment, la Constitution dominicaine
stipule que toutes les personnes nées en territoire dominicain sont
dominicaines, à l’exception de celles qui sont en transit. L’avant-projet
propose que le statut des sans papiers, des migrants illégaux soit
celui de « personnes en transit », indépendamment
de la durée de résidence en R.D. Cela pourrait signifier
que les enfants d’Haïtiens nés en R.D. depuis des décennies
n’auraient pas la possibilité de devenir citoyens dominicains. Selon
la Commission, le concept de «
transit » doit refléter
la réalité ; de sorte qu’on viole le droit quand on lui donne
une interprétation restrictive et formelle qui ne correspond pas
à la réalité.
361. Dans ses observations au Projet
de Rapport de la CIDH, le gouvernement dominicain a insisté pour
dire que la situation des Haïtiens dans le pays est véritablement
inquiétante, pour cette raison une alliance stratégique s’est
créée entre la R.D. et Haïti, dans le but de développer
des projets communs destinés à améliorer la situation
économique des ressortissants haïtiens.
362. Dans la même rapport,
le gouvernement indique que, dans le but de régulariser l’entrée
d’étrangers, un projet de loi à été élaboré
pour modifier la Loi sur la Migration de 1939, laquelle sera prochainement
soumise au Congrès National. Dans le même contexte le gouvernement
informe qu’une Commission mixte bilatérale haïtiano-dominicaine
formée d’autorités haïtiennes et dominicaines étudie
la situation des sans-papiers.
E)
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS