Les conquêtes de la liberté (2)
... GRENADE, SAINT-VINCENT, GUYANE
À Saint-Vincent, Duvalay, chef de la nation galifuna, “les Caraïbes noirs”, est nommé officier des armées de la République française et bat la marine anglaise en janvier 1796.
À Sainte-Lucie,
la commission envoie deux délégués proclamer la liberté
générale, avec le drapeau de l’ÉGALITÉ DE L’ÉPIDERME
:
« L’emblème
qu’il représente, vous annonce qu’il n’y a plus de distinction de
couleur et que tous les hommes sont frères. Que vos âmes s’électrisent,
jurez comme nous de mourir plutôt que de perdre un instant de vue
ce signe de notre régénération. » Lettre
aux Républicains de Sainte-Lucie, 22 février 1795
Le bataillon
des Antilles de Pélage et Delgrès rejoint l’armée
des bois de Mariniez et Palerme, renforcée par les citoyens de toutes
couleurs et libère l’île en, juin 1795. Le commissaire Goyrand
fait appliquer une nouvelle organisation des cultures, dans laquelle les
nouveaux libres sont rétribués sur le revenu des habitations.
EN GUYANE, le commissaire civil Jeannet-Oudin proclame l’abolition à la réception du décret du 16 pluviôse, le 13 juin 1794 et procède aux élections locales par les nouveaux citoyens en septembre. Mais il s’oppose à la volonté des nouveaux libres de créer la petite exploitation agricole et veut les contraindre à demeurer sur les habitations où ils étaient esclaves. Néanmoins Jeannet-Oudin, puis Cointet, imposent des règles précises de travail quant aux horaires et à la rémunération, mais ne purent empêcher un important marronnage, bien plus aisé sur le continent que dans les îles.
La Guyane,
éloignée du théâtre de la guerre dans la Caraïbe,
ne connut pas la formation d’une armée “noire” révolutionnaire
qui lui manqua à l’heure de la reprise en main colonialiste sous
le Directoire, puis du rétablissement de l’esclavage sous le Consulat
: la résistance vint des maquis de marrons qui luttèrent
de 18025 à 1809. Il semblerait qu’il n’y eut pas, en Guyane, de
préparation à l’indépendance, comme ce fut le cas
en Guadeloupe, même si elle échoua, et à Saint-Domingue,
devenue Haïti, où elle réussit.
… JUSQU’AU COUP D’ARRÊT
En France, le tournant thermidorien : l'élimination des “robespierristes”, le 9 thermidor an II – 27 juillet 1794, met fin à la politique d’alliance entre les peuples. La Convention thermidorienne renoue avec une politique colonialiste en 1795.
Dans
la Caraïbe, le gouvernement anglais n’avait pas
hésité à engager des forces considérables,
depuis l’abolition de l’esclavage à Saint-Domingue en été
1793. Plus de 100 000 hommes, marins anglais, colons et émigrés
français, combattirent l’abolition de l’esclavage de 1793 à
1798 et réussirent à reprendre la Grenade, Saint-Vincent,
Sainte-Lucie pour y rétablir l’économie de plantation esclavagiste
en 1796.
Jusqu’au rétablissement de l’esclavage en 1802, les sociétés guadeloupéenne et guyanaise furent marquées par des luttes sourdes entre colons contre-révolutionnaires cherchant à tourner l’organisation du travail selon leurs intérêts et les nouveaux citoyens prenant conscience des attaques menées contre leur liberté.